L'ennui triste maladie
Ronge la vie, sans bruit
Au rythme des secondes
Qu'égrène inexorablement le temps
Le temps qui détruit tant de choses
Tant de gens et de sentiments
Le temps qui ne s'arrête jamais
Qui ne sait pas mourir ni oublier
Le temps, monstre qui effraie les hommes
Ces hommes que nous sommes
Pauvres fourmis qui croient être tout
Et qui semblables aux sauvages qu'ils renient
S'entretuent alors qu'au-dessus d'eux
Apparaissent des choses... qu'ils refusent de voir
Car ils ont peur, peur de l'inconnu, du néant
Peur de ce qu'ils deviendront et de ce qu'ils sont
Et cette Peur leur donne froid dans le dos, les fait pleurer
Les fait gémir, les fait s'enfuir,
Les dégoûtent peu à peu de la vie et trace la route...
Une belle route toute droite, noire, large et profonde
Où passe sans mal et règne en maître : L'ennui
Envahissant les rues de ses yeux vides
Et de ses larmes amères qui tristement coulent
Sur les joues déjà ridées des gens fatigués
Et des enfants mal aimés, malmenés...
Oh cercle infernal de l'ennui, du temps et de la peur
Cycle qui toujours renaît pareil à lui-même
Ronde diabolique où sans pitié nous sommes traînés...
Quel est le maillon de cette chaîne que l'on peut briser
Et qui ouvrira la porte au bonheur et à la liberté ?
NDE: L'ennui lié au temps qui passe. On pense à Baudelaire qui dans Au lecteur ouvrant Les Fleurs du mal parle de l'Ennui décrit comme un « monstre délicat » « chargé d'un pleur involontaire » qui « ferait volontiers de la terre un débris/ Et dans un bâillement avalerait le monde » ; pour le thème du temps, on pense à cet autre poème du même, L'Horloge, et peut-être plus encore à Avec le temps de Léo Ferré. De ce poème de Marie Duval (qui ne signait pas alors Marie Duval) je retiens ces deux sublimes vers :
Le temps qui ne s'arrête jamais
Qui ne sait pas mourir ni oublier
C'est limpide et obscur à la fois.
Une étude de ce poème serait trop longue, mais il y aurait beaucoup de choses à dire tant il est riche d'aspects, de thèmes, dont la peur n'est pas des moindres, véritable obstacle..., enfin profond.