Marie Duval a publié sur son blog ce manifeste recueil sans titre, comme quoi elle l'envisageait comme une suite de poèmes courts sans désir de publication chez un éditeur qui l'aurait obligé à choisir un titre. Comme je suis son premier éditeur en dehors d'elle-même, je lui en ai proposé un: Le sel des Saisons. Elle a accepté. Celui-ci est toutefois à moitié trompeur, car la poétesse ne traite que de l'automne et de l'hiver. Est-ce parce qu'elle considérait qu'à l'époque où elle les a écrit, "les chambres d'enfant se vidant" (pour paraphraser un de ses textes dont Aube de l'Etoile a fait une chanson), la monopause arrivant, elle se considérait arrivée à la moitié de sa vie, à l'automne? Est-ce aussi qu'elle appellerait ou accepterait pleinement la mort que symbolise l'hiver? Si le printemps incarne la jeunesse et l'été la vie de mère, il est logique qu'elle commence par l'automne pour aller vers l'hiver. Mais en dehors de tout symbolisme, il y a dans ces deux saisons un esprit de recueillement et de méditation qui sied de tout temps aux poètes. Et Marie Duval a cette nature tendance mélancolique, à l'image de son auteur-compositeur-intérprète préféré alors: Alain Souchon (qui est poète, ne lui en déplaise...)
Pour la forme, on est toujours dans le poème court, avec l'esprit du haïku sans en être, mais s'en rapproche encore plus par rapport aux quatrains du recueil A fleur d'eau puisque on a trois vers, des tercets, mais non rimés. Ils se rapprochent d'autant plus du haïku que tout le recueil est basé sur le kigo (mot-saison), par les titres de chaque poème (ils sont au nombre de 30, comme le nombre de jours dans un mois en moyenne..., hasard?), car c'est là aussi une des originalités de Marie Duval, de toujours donner un titre, aussi court soit le poème. Comme à son habitude, elle chérit la ponctuation qui fait sens et donne rythme. Une virgule est un silence, comme dans une petite partition musicale, tandis que le point incarne la fin. Pas à se poser la question si il ne manquerait pas un mot...
Ces courts poèmes sont de ceux qui pour beaucoup me laissent sans voix, et pour paraphraser Laurent Voulzy à propos d'Alain Souchon: elle a des formules qui laissent par terre. Ils font mouche, sonnent justes, comme une évidence, leçon de poésie branchée à là-haut, "claque" dans la chute-ascension.
Enfin, ces poèmes sont accompagnés de photos, mais ce ne sont pas des photo-haïkus, qui partent d'une photo pour faire un haïku, les photos viennent illustrer le poème.